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Représentations parentales suite au diagnostic d’autisme : entre l’ici et le monde tamoul

  • Photo du rédacteur: Nikita Bergen
    Nikita Bergen
  • 20 sept.
  • 7 min de lecture

Résumé

Cette étude qualitative et transculturelle s’intéresse au vécu et à l’expérience de parents tamouls vivant en France, à la suite de l’annonce diagnostique d’un trouble du spectre de l’autisme chez leur enfant. L’exploration des représentations parentales liées à ce diagnostic, apparaît comme un enjeu essentiel du travail thérapeutique. Neuf familles suivies en centre médicopsychologique ont été interrogées au moyen d’un entretien semi-directif avec interprète, fondé sur la méthode du McGill Illness Narrative Interview. Les résultats analysés selon une approche phénoménologique interprétative, sont organisés en trois axes : une confrontation progressive à la maladie, allant de l’inquiétude initiale à une appropriation des troubles et à une recherche de soutien auprès d’autres parents tamouls confrontés à l’autisme ; une réflexion subjective sur la pathologie, marquée par des questionnements étiologiques ; une pensée dynamique traduisant une pulsion d’agir, dans laquelle les parents formulent le besoin de stratégies concrètes pour accompagner leur enfant.


Abstract

This qualitative and cross-cultural study explores the experiences of Tamil parents living in France following the diagnostic disclosure of autism in their child. Understanding parental representations related to the diagnosis is seen as a crucial component of therapeutic work. Nine families followed in a mental health center called Centre Médicopsychologique were interviewed through semi-structured sessions with an interpreter, using the McGill Illness Narrative Interview method. The findings were analyzed through an interpretative phenomenological approach and are organized into three key themes: a progressive confrontation with the disorder, evolving from initial concern to a process of appropriation and a search for support within the Tamil autism parent community; a subjective reflection on the disorder, shaped by etiological questions; a dynamic mindset reflecting a drive to act, where parents express a need for concrete strategies to support their child.


Introduction

Aujourd’hui, comme le décrit la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), le trouble du spectre de l’autisme (TSA) constitue une catégorie diagnostique globale regroupant deux domaines de symptômes : des déficits de la communication sociale et des comportements ou intérêts restreints et répétitifs [1], [2]. La définition de l’autisme a évolué au fil des classifications [3]. Dans le DSM-IV, l’autisme infantile était inclus dans les troubles envahissants du développement (TED) aux côtés du syndrome de Rett, du syndrome d’Asperger et du trouble désintégratif de l’enfance [4]. Avec le DSM-5, le TSA est intégré à une entité unique, regroupée sous la catégorie des troubles du neurodéveloppement (TND), qui comprend également les troubles spécifiques des apprentissages, les troubles de la communication, le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité et les déficiences intellectuelles [1], [5]. Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est reconnu comme une affection durable, susceptible d’avoir un impact fonctionnel significatif. Il nécessite, dans ce contexte, un accompagnement précoce, soutenu et pluridisciplinaire [6], [7]. Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), le diagnostic devrait idéalement être posé entre 2 et 3 ans, afin de permettre la mise en place d’interventions adaptées avant l’âge de 4 ans [5], [7]. Parallèlement, les études récentes montrent une augmentation continue de la prévalence des diagnostics de TSA, attribuée à plusieurs facteurs : l’élargissement des critères diagnostiques, une meilleure reconnaissance sociale et politique, une sensibilisation accrue des professionnels ainsi que l’utilisation d’outils de dépistage standardisés [3], [7]. Cependant, en France, la réalité du terrain révèle un décalage persistant entre ces recommandations et les pratiques. L’âge moyen au moment du diagnostic reste situé autour de 5 ans, d’après les données issues de la cohorte ELENA [7]. Cette tendance s’accentue particulièrement chez les enfants issus de familles ayant migré, qui rencontrent plus souvent des parcours diagnostiques plus longs [7], [8], [9].

L’étiologie du TSA est aujourd’hui largement reconnue comme multifactorielle, reposant sur l’interaction complexe entre prédispositions génétiques, modifications épigénétiques et facteurs environnementaux [2], [10], [11]. Certaines études soulignent également le rôle possible de facteurs périnataux dans la modulation du risque d’autisme [12]. Ces données alimentent une compréhension de l’autisme comme un phénomène dynamique, où des événements biologiques précoces interagissent avec des contextes de vie particuliers.

Parmi ces contextes, l’expérience migratoire a notamment été identifiée comme un facteur environnemental pouvant influencer les processus épigénétiques et l’expression clinique du TSA [8], [9], [13], [14]. La migration peut être définie comme le déplacement d’une personne ou d’un groupe de personnes d’un pays vers un autre, motivée par diverses raisons : migration économique, regroupement familial, exil, etc. [13]. Face à ces populations, une adaptation des pratiques cliniques devient nécessaire et s’impose comme une nouvelle réalité [14], [15], [16], [17].

La prise en charge pluridisciplinaire, proposée dans le cadre de soins aux enfants autistes, mobilise une alliance multiple entre professionnels et familles [17]. Le travail de consultation impliquant un contexte de migration soulève des questionnements spécifiques : l’histoire migratoire et ses effets, le métissage entre deux mondes d’appartenance, le codage culturel des troubles, ou encore la construction d’un cadre thérapeutique adapté [15]. Dans le cadre du TSA, ces interrogations prennent une intensité particulière, en raison de la place centrale qu’occupe la culture dans la perception des troubles [18]. La culture, définie comme un ensemble d’idées, de coutumes et de comportements partagés par un groupe [15], est souvent perçue comme un obstacle au moment du diagnostic [13], [16], [18]. Le contexte d’appartenance influe sur la manière dont le trouble est perçu car les représentations de la santé mentale et des soins divergent selon les normes du système d’accueil. La pose d’un diagnostic ne garantit donc pas, en soi, une compréhension étiologique des troubles, en particulier lorsque celui-ci s’inscrit dans un parcours migratoire complexe.

Les familles issues d’un mouvement migratoire, acquièrent de deux mondes culturels hétérogènes [15]. Lorsqu’un enfant est malade, les rapports à cette bi-identité culturelle se complexifient entre attachement aux représentations familiales héritées et confrontations aux normes médicales du pays d’accueil [19].

Bien avant sa naissance, l’enfant à naître est généralement fantasmé dans la psyché des parents [20]. Un contrat narcissique, à l’origine du lien et de l’alliance d’accordage primaire, entre le bébé et souvent ses parents, s’établit [21]. Investi narcissiquement par ses parents, l’enfant devient alors source de blessures lorsque ce contrat ne peut être maintenu. L’altération du développement de l’enfant vient bouleverser l’équilibre familial et fait rupture [22], [23].

L’atteinte narcissique des parents, observée à la suite d’un diagnostic d’autisme chez l’enfant, peut se manifester en un surinvestissement de questions étiologiques [24]. Cette dimension domine par une nécessité de déterminer le risque récurent de la pathologie, la possibilité d’en comprendre son fonctionnement et les potentielles approches thérapeutiques associées, qui varient encore une fois, en fonction de la culture [25]. La polyfactorialité du trouble, induit toute la perplexité au raisonnement étiologique et le contexte transculturel la multiplie. Il devient alors difficile au corps médical de fournir les réponses attendues et cela se répercute sur les parents [13].

Les projections autour de l’autisme étant propres à chaque culture, il devient alors nécessaire, de s’intéresser à la perception et à la compréhension qu’en ont les parents. Notre attention se porte sur l’expérience singulière de parents d’origine tamoule à la suite d’un diagnostic d’autisme chez leur enfant.

En France, l’immigration en provenance d’Asie du Sud est majoritairement tamoule [26]. Elle inclut des individus originaires de l’Inde du Sud et du Sri Lanka. De manière générale, la diaspora Tamoule, particulièrement centrée en Île-de-France, est parfois décrite comme une population en situation de mal-être profond. Le manque de maîtrise du français, ainsi que les différences normatives et culturelles, expliqueraient ces difficultés d’intégration [27]. Les divergences culturelles entre pays d’origine et société d’accueil influencent défavorablement les représentations sociales de la communauté tamoule, en particulier dans des espaces d’échanges comme l’école ou les structures de soins [26].

Dans la littérature internationale, plusieurs études se sont intéressées aux vécus de la population sud-asiatique. Shanmugarajah et al. ont exploré la perception du TSA dans la communauté sri lankaise au Canada, afin de sensibiliser à l’adaptation des soins en ergothérapie [28]. Leurs résultats soulignent un effet ambivalent de la culture : d’un côté, des ressources positives liées aux croyances religieuses ou au soutien familial ; de l’autre, des freins induits par les effets de la migration (barrière de la langue, accès restreint à l’information, distance avec les professionnels).

Bien que l’étude de Jegatheesan et al. porte sur une population sud-asiatique de confession musulmane vivant aux États-Unis, elle permet d’élargir la réflexion autour des dynamiques culturelles propres aux minorités migrantes d’Asie du Sud. Elle met en évidence l’impact des différences culturelles sur la relation thérapeutique, notamment à travers les compétences interpersonnelles attendues du thérapeute, et les difficultés rencontrées dans l’accompagnement de l’enfant, renforçant ainsi la distance entre les professionnels et les familles [29].

Malgré une reconnaissance croissante de l’influence de la culture sur le rapport aux soins des familles issues de la migration, peu de recherches s’intéressent aux modèles explicatifs parentaux du diagnostic d’autisme [30]. Ainsi, développer une meilleure connaissance sur ces modèles permettrait non seulement de réduire l’impact des divergences culturelles dans la relation entre soignants et familles, mais aussi de favoriser une meilleure compréhension et appropriation des possibilités de soins. En somme, cela permettrait d’améliorer la trajectoire clinique des enfants sur un plus long terme.

Dans notre étude, nous nous centrons sur la population tamoule, qui, bien que provenant de différents pays, partage un fort sentiment d’appartenance communautaire [26], [27].


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L’échantillonnage de la population

Cette étude exploratoire a été menée auprès de familles d’origine tamoule reçues suivies dans un centre médicopsychologique (CMP). En raison de la variabilité autour de l’annonce diagnostique, le critère d’inclusion reposait sur la confirmation d’un diagnostic d’autisme (DSM-V), posé cliniquement, sans contrainte de délai [10]. La participation, distincte du suivi habituel, étant sans conséquence en cas de refus. Après obtention du consentement éclairé, les entretiens ont été enregistrés puis


Résultats

Le recueil des données s’est déroulé entre janvier et mai 2024. En réponse à notre question de recherche, les résultats ont été organisés autour de trois axes thématiques principaux (Tableau 1).


Une étiologie accidentelle, au-delà des attentes culturelles

Les résultats obtenus dans cette étude s’articulent principalement autour d’une étiologie dite accidentelle, et beaucoup moins selon une logique culturelle des troubles. Ce constat peut surprendre dans le cadre d’une recherche menée en contexte transculturel, où l’on s’attend parfois à un contraste marqué de représentations orientées par la culture [33]. Pourtant, les trajectoires parentales face à l’autisme mobilisent, au-delà des appartenances culturelles, des processus similaires


Limites de l’étude

Cette recherche s’inscrit dans un cadre académique de recherche, avec un temps d’enquête limité, ce qui a pu restreindre la profondeur de l’exploration [24]. Le dispositif méthodologique se distingue des études fondées sur l’observation ethnographiques ou sur un suivi longitudinal [33]. Les résultats ne pourraient être généralisés à l’ensemble de la population tamoule en France.

Par ailleurs, aucune distinction n’a été opérée entre les parents d’origine indienne et ceux originaires du Sri Lanka.


Conclusion

Cette étude souligne la nécessité d’adopter une approche nuancée face aux vécus parentaux du diagnostic d’autisme en contexte de migration. Les interprétations parentales s’organisent moins autour de logiques culturelles et stéréotypées que d’une étiologie accidentelle, marquée par une quête de sens et une volonté d’agir [17], [36].

Les familles tamoules vivant en France mobilisent des logiques compatibles avec les dispositifs de soins biomédicaux. Ce positionnement, qui reflète une forme


Financement

Cette recherche n’a reçu aucun financement externe.


Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.






 
 

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Nikita Bergen Psychologue

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